CHAPITRE VII

La voiture était arrêtée à cinq cents mètres environ de l’entrée de Rupholding, là où la route fait un coude en montant, sur un petit rond-point naturel qui dominait tout le village.

La circulation était assez intense, mais personne ne prêtait attention aux deux occupants de la vieille Opel grise. L’un d’eux sortit pour se dégourdir les jambes. Il était grand et solide, avec un visage bronzé, des yeux bleus et une courte moustache blonde. Son costume de gros tweed verdâtre typique des Allemands du Nord, jurait avec son élégance naturelle.

Il urina contre un arbre et se rassit près de son compagnon.

Ce dernier était encore plus grand, mais un nez en bec d’aigle et une fossette au menton lui donnaient un air enfantin. Il fumait, les mains appuyées sur le volant.

Soudain, il jeta un coup d’œil sur le rétroviseur et jeta un mot bref à son compagnon. Une voiture arrivait sur la route, derrière eux.

Aussitôt, le blond posa sur ses genoux la puissante paire de jumelles avec laquelle il observait un petit chalet à un kilomètre de là. La voiture passée, il reprit son guet.

De loin, on aurait dit deux paisibles citadins observant la vie des oiseaux. Les petits chapeaux tyroliens verts, posés sur la plage de la lunette arrière étaient, eux aussi, typiquement allemands.

Pourtant, Ben Uri était né à Tel-Aviv et Hayim Agmon à Jaffa…

C’étaient deux sabras, des Israéliens nés en Israël.

En temps normal, ils cultivaient les champs d’un kibboutz, près de la frontière syrienne.

Mais en 1945, ils étaient tous les deux dans la brigade juive de l’armée anglaise. Ils s’étaient battus en Italie, puis avaient sillonné l’Allemagne à la recherche des criminels de guerre.

Depuis, reconvertis à l’agriculture, ils faisaient des « heures supplémentaires ». Ils comptaient parmi les initiateurs du mouvement « Ceux qui n’oublieront jamais ».

De multiples informateurs bénévoles et anonymes, dans tous les coins du monde recueillaient des renseignements pour eux. Lorsqu’un nazi était identifié à coup sûr, qu’on était sûr de ses crimes, Ben Uri et Hayim Agmon disparaissaient de leur kibboutz. Pour une semaine, un mois ou trois mois.

Ils parlaient parfaitement arabe, allemand, hébreu et anglais. Leur physique leur permettait de se faire passer pour d’exemplaires « aryens ». Lorsqu’ils partaient en mission, ils avaient des passeports parfaitement imités, fournis par les Services secrets israéliens. Mais en cas de coup dur, ils savaient qu’ils ne pourraient faire appel à leur pays.

Parfois un de leurs amis disparaissait. Les gens d’Odessa étaient sans pitié eux aussi. Mais c’était un risque accepté.

Ben Uri et Agmon tâchaient toujours d’éviter l’affrontement direct. Dans le coffre de leur voiture, il y avait un fusil 22 long rifle, à haute vitesse initiale, muni d’une lunette, plus quelques babioles moins voyantes, mais tout aussi efficaces, sinon plus.

Ben Uri régla fiévreusement les jumelles. Là-bas, deux silhouettes venaient de sortir du chalet.

— Le voilà, dit-il d’une voix calme.

Dans ses oculaires, il voyait très distinctement l’homme blond et la jeune fille qui l’accompagnait. Les deux montèrent dans une Ford Taunus grise arrêtée devant le chalet et aussitôt la voiture démarra, vers la sortie opposée du village.

L’Israélien posa ses jumelles et tourna la clé de contact. Avec leur grosse 250 SL, ils rattraperaient facilement la petite voiture.

— Pourquoi crois-tu qu’il est revenu ? demanda Hayin Agmon.

L’autre haussa les épaules.

— Mal du pays. Puis, ils se sentent sûrs d’eux maintenant.

— Il a quand même eu du culot d’avoir été voir Wisenthal.

— Ce n’était pas bête. Si le vieux père Simon n’avait pas un sixième sens pour flairer ces salauds, il serait tranquillement en train de se réinstaller dans son village, avec la complicité de tous ses concitoyens, tu peux en être sûr.

Ben Uri froissa au fond de sa poche un télégramme.

— Et après avoir liquidé le dernier témoin atteignable. Pauvre Isak Kulkin.

Ben Uri ralentit. La petite Taunus était à cinq cents mètres devant eux.

— C’est bizarre, cette histoire, dit-il. Ce type n’avait aucune raison d’aller à Athènes. Le vieux Kulkin ne serait jamais revenu en Allemagne. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Agmon caressa ses moustaches :

— On ne saura jamais pourquoi il l’a tué, mais il l’a tué. Tu ne crois quand même pas que c’est une coïncidence ? Il demande l’adresse de Kulkin et deux jours après, l’autre se fait tuer par une voiture. Et, en plus, on a la preuve que Guern a été à Athènes… En tout cas, ce sera le dernier Juif qu’il aura tué…

Les deux voitures se suivaient tranquillement. Jusqu’à l’embranchement de l’autoroute de Munich, il n’y avait aucun problème.

C’est un long enchaînement qui avait conduit Ben Uri et Agmon sur cette petite route de Bavière. Après la visite de Malko à Simon Wisenthal, ce dernier pris de soupçons, avait envoyé à Isak Kulkin un télégramme le mettant en garde.

Le télégramme était revenu le lendemain. Avec la mention « décédé ».

Le reste s’était joué au téléphone. Wisenthal avait appris la façon étrange dont Isak Kulkin était mort. Les deux Israéliens étaient déjà alertés. Leur seul changement de plan avait été une escale à Athènes. À Athènes, où une rapide enquête leur avait appris la présence de Malko Linge, alias Rudi Guern. Cela ne faisait qu’une raison supplémentaire de liquider l’ancien Scharführer. Maintenant, c’était une question d’heures. Ils étaient venus spécialement en Allemagne pour cela. En regardant l’arrière de la Taunus, Ben Uri se sentait pris d’une sombre excitation. La joie de débarrasser la terre d’un monstre.

Un monstre, le Scharführer Rudi Guern en était un sans aucun doute.

* * *

La voiture stoppa dans un grincement de freins devant le Gasthaus zum Bahnhof. Une grosse Opel Admirai cossue, mais boueuse. Le conducteur sortit précipitamment, poussa la porte du Gasthaus et ressortit presque aussitôt pour remonter dans son véhicule.

Il repartit et rengagea sa grosse voiture dans un étroit chemin de terre à la sortie du village, pour stopper près du chalet des Guern. De nouveau l’homme grand et brun grimpa quatre à quatre l’escalier et frappa plusieurs fois à la porte du second étage. N’obtenant aucune réponse, il ressortit et s’approcha d’une petite fille qui jouait avec des éclats de bois.

Tirant une pièce d’un mark de sa poche, il la lui tendit avec un grand sourire :

— Tu n’as pas vu Fräulein Guern ?

La petite hésita un instant, puis dit d’une voix fluette, mais posée :

— Elle est partie avec un monsieur.

Janos Ferenczi serra les lèvres. Se forçant à sourire, il s’accroupit près de la petite fille.

— Comment il était le monsieur ?

Mais c’était une question qui dépassait sa compétence. La fillette resta muette. Ferenczi changea alors de tactique.

— Il y a longtemps qu’ils sont partis ?

La petite secoua la tête.

— Non, pas longtemps.

— Ils étaient en voiture ?

— Oui. Ils sont partis par là.

Sa petite main potelée montrait la direction de Munich. Janos Ferenczi redressa sa haute taille, effleura les cheveux de l’enfant et remonta en voiture.

Le front plissé, ses tics nerveux lui secouant le visage, il conduisait avec application, mais très vite, en se maudissant intérieurement. Il aurait dû penser plus tôt au Rupholding. Que faisait ce diable de S.A.S. avec la sœur de Rudi Guern ?

La longue fille brune assise à côté de lui alluma une Benson et remarqua calmement :

— Ne t’énerve pas, Janos, nous les rattraperons.

Ce n’est pas la peur qui la faisait parler, mais le désir sincère de rassurer son compagnon. Elle n’avait jamais peur en voiture. Elle avait assez peu de sensibilité d’ailleurs. Peu de choses la faisaient vibrer, à vrai dire. Une de ses rares joies était de battre à mort une très jolie fille, de l’entendre crier, de la voir se rouler à ses pieds et ensuite de la tuer.

C’est pour ces moments trop rares – la fantaisie fuyait de plus en plus les Services spéciaux – qu’elle continuait à vivre avec Janos Ferenczi aux trois quarts impuissant et radin comme un Ecossais.

Ce dernier était furieux et décontenancé. Depuis le début de cette affaire, sa victime le prenait chaque fois à contre-pied. Il freina avant la bretelle de raccordement à l’autoroute, puis s’engagea sur la piste en ciment et écrasa immédiatement l’accélérateur. Il avait quatre-vingt-dix kilomètres pour rattraper l’autre voiture.

* * *

Une grenouille somptueusement verte poinçonnait les tickets dans le trolleybus. En face de Malko, un Pierrot tout blanc avec une Colombine étaient serrés sur la banquette. Il regarda Eva en coin. En Walkyrie, elle était parfaite. Sa généreuse poitrine débordait largement de son corsage et son casque à pointes n’étonnait personne. Lui avait dû se contenter d’un modeste uniforme de hussard de la mort, vingt-cinq marks par jour, tout compris.

Munich était en folie. La seule façon de s’y faire remarquer était d’être habillé normalement. Le receveur de trolley en grenouille n’étonnait personne. Malko avait même vu sortir d’une église un prêtre avec un chapeau pointu ! Le tram stoppa et un couple monta. L’homme en smoking, la femme en robe du soir, tous les deux avec d’énormes faux nez écarlates. Immensément graves.

— Où allons-nous ? demanda Malko.

— Au bal de Bayerisherhof, fit Eva joyeuse.

Ils étaient arrivés à Munich la veille. Eva avait conduit Malko directement dans un petit studio à côté du restaurant La Bonne-Auberge dans Schwabing, le quartier bohème de Munich. La clé était dans la boîte aux lettres et ils n’avaient vu personne. La jeune fille avait appris à Malko que ce studio était une des étapes de la chaîne d’évasion Odessa. C’est là qu’on leur donnerait par téléphone le top du départ et leur prochain rendez-vous.

Malko était sur des charbons ardents. Il aurait voulu partir tout de suite, mais il n’y avait rien à faire. Eva ne connaissait pas encore la prochaine étape de leur voyage. « On » devait la leur téléphoner.

C’est Eva qui avait insisté pour sortir, Malko continuant à jouer son rôle d’homme traqué. Ce qui n’était pas entièrement faux.

— Tu ne crains rien, lui avait-elle promis. Tout le monde est déguisé. Et c’est le jour des femmes, aujourd’hui. Ce sont elles qui invitent leur cavalier…

Elle avait été louer les costumes et Malko avait dû se laisser faire, bon gré mal gré. Pour plus de vraisemblance, il avait glissé son pistolet dans sa ceinture, sous son déguisement. De toute façon, c’était plus sûr que de le laisser traîner, dans le studio, dont des inconnus possédaient la clé.

Au moment où ils allaient partir, le téléphone avait sonné. Eva avait décroché et écouté quelques secondes. Son sourire radieux apprit à Malko avant ses mots ce qui arrivait :

— Nous partirons demain matin, annonça-t-elle. Pour la France. Le rendez-vous est sur un bateau, le White-Devil. Il sera à Saint-Tropez à partir de demain matin. Nous devons demander Francisco Juarez.

— Partons tout de suite, proposa Malko. Nous roulerons de nuit.

Eva eut une moue de gamine et lui passa les bras autour du cou :

— Lieblich, j’ai tellement envie d’aller à ce bal ! Et de passer une nuit tranquille avec toi…

Elle appuyait son corps sain et ferme contre lui, sans équivoque. Puis, sans attendre sa réponse, elle l’entraîna par la main. Jusqu’au trolleybus à la grenouille.

Ils descendirent sur la petite place où se trouvait l’immeuble imposant du Bayerisherhof, l’hôtel le plus cossu de Munich. Un cordon de policiers en longues capotes blanches canalisait la foule des badauds. L’entrée coûtait vingt marks.

C’était la foire d’empoigne dès les portes tournantes. Une foule bigarrée, hurlante, déjà ivre, s’écrasait dans l’étroit tambour. Eva manqua y laisser un sein et parvint à tirer enfin Malko à l’intérieur.

Cela tenait de Helzappopin, du métro à six heures et du grand désert d’Arabie pour la température. La sueur coulait sur la peau des travestis transformant les visages en palettes de peintre abstrait. Un orchestre jouait dans chaque salle. C’était délirant. Des couples étaient étendus partout à même la luxueuse moquette, ivres de bière et de bruit, flirtant ou buvant leur alcool. D’autres oscillaient sur les pistes de danses. Des bandes de jeunes parcouraient en hurlant les escaliers, en de tumultueuses farandoles.

Une énorme mémère, rose comme un jambon de Westphalie, moustachue comme un grenadier, sanglée dans une tunique de fée Carabosse, se jeta sur Malko et lui appliqua un baiser gluant sur la bouche. Il lutta de toutes ses forces, mais elle avait des avant-bras comme des jambonneaux. Finalement, pour s’en débarrasser, il lui bourra sournoisement les tibias de coups de pieds. Au diable la galanterie ! C’était un cas typique de légitime défense.

— Vous allez la vexer ! dit Eva. Aujourd’hui tout est permis.

Malko parvint enfin à se dégager et s’accrocha comme un noyé au bras de sa cavalière. C’est ce qu’on doit appeler les horreurs de l’amour. Pudibonds et réservés d’ordinaire, les Bavarois perdaient toute retenue durant les trois jours du carnaval. Ils échangeaient des plaisanteries salaces de table à table. Des serveuses rubicondes aux épaules de catcheur amenaient inlassablement sur les tables des chopes de bière d’un litre par cinq ou six !

Des femmes se détachaient d’un groupe et allaient embrasser un autre homme, au vu et au su de leur cavalier. Un immense chauve avec des moustaches de cosaques déguisé en page, vint arracher Eva à Malko, pour l’entraîner sur la piste.

Yul Brynner vu par Frankenstein ! Eva gloussa et se laissa faire. Malko la vit plonger dans un tourbillon de foule, une des mains du géant enfoncée dans son corsage jusqu’à l’avant-bras.

Il ne resta pas seul longtemps. Un lutin en minijupe, avec une magnifique crinière blonde, vint s’asseoir sur ses genoux. Elle sentait la sueur et le parfum bon marché, mais cela valait mieux que la mégère de l’entrée. Déjà sa nouvelle cavalière lui jetait les bras autour du cou, lui soufflant au visage une haleine empestée de bière. Il voyait sa maigre poitrine bringuebaler sous son caraco.

— Tu es chou, toi ! fit-elle. Comment tu t’appelles ? Moi, c’est Helga !

Malko bredouilla une vague réponse et voulut se lever. Mais Helga était tenace. Elle se mit debout et tira Malko vers le magma humain qui se pressait sur la piste.

— Dansons ! intima-t-elle.

Pour plus de sûreté, elle glissa ses deux mains entre la chemise et le pantalon de Malko, derrière ses reins, le retenant solidement contre elle. Eva avait disparu. Personne ne savait exactement ce que jouait l’orchestre et cela n’avait d’ailleurs aucune importance. Helga profita du rythme lent pour se coller à Malko, comme une ventouse lubrique.

Espièglement, elle lui mordilla l’oreille en lui murmurant des obscénités à faire rougir un chameau. Il apprit accessoirement qu’elle ne portait jamais de culotte pendant le carnaval. Horrible détail !

Soudain, deux joueurs de banjo 1925 avec des canotiers et des vestes rayées surgirent de la foule et se mirent à tourner autour du couple en faisant mille pitreries. Ils étaient gais, bronzés et sympathiques. Le plus grand avait une petite moustache blonde. Malko leur sourit et Helga leur cria une obscénité et remonta son caraco pour leur montrer sa poitrine. Elle était ivre morte.

Malko aperçut le casque à pointe d’Eva. Elle était assise sur les genoux du Yul Brynner, une gigantesque chope de bière à la main.

Les joueurs de banjo continuaient leur danse autour d’eux. À croire qu’ils avaient des vues sur Helga. Un nouveau personnage fendit la foule : un Méphisto tout de noir vêtu, le visage couvert d’un masque rouge avec deux cornes sur le front. Helga poussa un cri de joie et lui fit un pied de nez.

Malko en profita pour filer à l’anglaise. Il ne souhaitait qu’une chose : récupérer Eva et quitter cet endroit dément. Il la chercha des yeux, mais elle s’était volatilisée avec son géant moustachu. Courageusement, il plongea dans la foule à sa recherche.

Mais, au début d’un couloir, il se trouva nez à nez avec un autre hussard de la mort, en tout point semblable à son propre déguisement. L’autre tomba dans ses bras avec un rugissement de joie. Il voulait à toute force offrir à boire à Malko et l’entraîna dans la direction d’où il venait.

Ils arrivèrent devant un bar et le second hussard de la mort commanda deux chopes de bière. Malko ne savait plus comment s’en débarrasser.

Brusquement les lustres vacillèrent et s’éteignirent tous ensemble, dans un concert de beuglements avinés ! Malko ne fit ni une, ni deux : abandonnant sa bière et son encombrant sosie, il fonça vers la première salle où il avait perdu Eva. Même si le géant lui avait fait subir les derniers outrages, il avait eu largement le temps d’en user et d’en abuser. L’obscurité n’était pas totale et permettait de se diriger facilement.

Mais la foule était si dense qu’il ne parcourut pas plus de dix mètres avant que la lumière ne se rallume. Un brouhaha et des cris le firent se retourner. Des gens faisaient cercle autour de quelque chose par terre, à l’endroit où il se trouvait quelques secondes plus tôt. Mû par un brusque pressentiment. Malko fit demi-tour. Il croisa les deux joueurs de banjo et éprouva une impression bizarre. Comme s’ils avaient eu un sursaut horrifié en le voyant.

Un corps était étendu à terre, près du buffet. Le second hussard de la mort. Une de ses mains crispées tenait encore un pan de la nappe blanche. Ses yeux étaient révulsés et ses traits avaient déjà le teint plombé de la mort.

Écartant brutalement les curieux, Malko s’agenouilla et se pencha sur le corps, examinant le visage de l’inconnu.

Tout de suite, il remarqua la légère humidité de la peau, qu’on aurait pu prendre pour de la transpiration. Et il sentit l’odeur très légère d’amande amère.

L’acide prussique.

L’homme venait d’être assassiné avec un pistolet projetant à bout portant de l’acide prussique pulvérisé. Une arme totalement silencieuse. Le poison pénétrait dans l’organisme par les pores de la peau et provoquait l’arrêt presque immédiat du cœur et la mort. Dans cinq minutes les gouttes d’acide et l’odeur auraient disparu et il n’y aurait plus aucune trace du meurtre.

C’était un crime de professionnel. Malko se redressa. Il avait encore dans l’œil la surprise horrifiée des deux joueurs de banjo : c’était lui qui était visé et non l’autre. Et les assassins étaient passés sous son nez !

Trompés par la pénombre, ils avaient tiré le mauvais hussard !

À la fois glacé et fou de rage, il se releva et fonça dans la direction où les deux hommes avaient disparu.

Une main se posa sur son épaule, et il se retourna, d’un bloc, sur la défensive.

— Vous ne les rattraperez pas, fit une voix qu’il connaissait bien.

Janos Ferenczi en Hamlet avait grande allure. Derrière le loup de velours, les yeux noirs fixaient Malko avec une expression narquoise. Celui-ci voulut se dégager, mais les doigts de fer du Tchèque le retinrent.

— C’est vous qui m’avez envoyé ces tueurs ? demanda Malko.

— Imbécile, siffla Ferenczi, je ne les connais même pas. Mais j’avais remarqué leur manège depuis tout à l’heure. Je suis arrivé trop tard pour vous prévenir.

Malko dit amèrement :

— Vous devez être content ! Puisque c’est vous qui les avez mis sur ma piste.

La cicatrice de Ferenczi devint pourpre :

— C’est vous. Avec votre stupide visite à Simon Wisenthal. Maintenant ils sont sûrs que vous êtes Rudi Guern. Sans que nous leur ayons rien dit !

Malko resta un instant interdit.

C’était trop drôle. Le Hongrois semblait fou de rage. Ainsi, il était pris à son propre piège. Puis, il éclata d’un rire nerveux.

— Eh bien, vous n’avez plus qu’à veiller sur moi ! Sinon, votre belle combinaison tombe à l’eau.

Il se dégagea brutalement et partit à grandes enjambées. Janos Ferenczi lui cria :

— N’oubliez pas que je peux encore vous sauver la vie.

Mais Malko n’écoutait plus. Les flonflons et les cris ne parvenaient même plus jusqu’à son cerveau. Il était dans un état de rage insensée. Certes, le Tchèque avait joué à l’apprenti sorcier. Mais la victime, c’était lui, Malko.

Il n’y avait plus une seconde à perdre. Il devait retrouver Rudi Guern. Avant que les autres ne le tuent. Par chance, il trouva Eva facilement. Elle avait quitté le géant pour un bel aryen blond qui l’embrassait à bouche-que-veux-tu. Malko lui saisit la main droite et tira, l’arrachant de son partenaire. Elle ouvrit la bouche pour protester quand elle vit le regard de Malko.

Alors, docilement, elle le suivit, laissant le beau blond dans un état peu descriptible avec des mots honnêtes.

L’air frais de dehors la dégrisa.

— Qu’arrive-t-il ? demanda-t-elle.

— On a failli me tuer, dit sombrement Malko. Quelqu’un d’autre est mort à ma place.

Il monta dans la voiture et lui ouvrit la portière. Elle était devenue toute pâle et se mordait les lèvres.

— Qu’allons-nous faire ?

— Partir de Munich immédiatement.

 

Magie noire à New York
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